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Sancosme
Arnaud

Dans mon histoire de l’art, je me suis vu confronté à une peinture que l’on tentait de vider et d’épuiser. Cette réduction m’a mené à penser le minimum, à jouer avec, à souhaiter enclencher un mouvement inverse. Qu’ajouter aujourd’hui ? Très peu — car il s’agit de continuer à effleurer cette limite — quelques signes, quelques gestes, du temps et peut-être l’intimité qui se joue dans le choix des images. C’est user de la possibilité d’exprimer quelque chose de direct et de frontal avec un châssis, une toile, des pigments — des éléments simples et économiques en somme — et construire ainsi un espace qui serait le résultat de déplacements et de transformations. 

J’insiste sur le côté volontairement simple du médium et de ses constituants : je cherche en effet une activité artistique accessible et immédiate utilisant des moyens légers, éloignés du spectaculaire, d’un certain individualisme, ou encore des détours cyniques.

Ainsi, mon travail consiste à choisir un élément réel et de le traduire en peinture, parfois il s’agit d’objet (une chaise, une barricade, une prise électrique, etc.), parfois ce sont des images (affiche, autocollant, photographie trouvée). Ce déplacement impose à ces sujets toutes sortes de transformations induites par le médium (comme la saturation des teintes, le redimensionnement ou la réaffirmation de certaines lignes), il crée un écart avec le référent et une autonomisation de la peinture qui en résulte. Ce vocabulaire provient d’une constellation de sources archivées par des photographies ou de simples esquisses que je conserve patiemment — car j’attache une forte attention à ces éléments qui font partie de ma culture visuelle. Ainsi, je produis des tableaux dont la composition est déjà là (already-made) ou du moins suggérée et dont l’importance des signes se trouve nivelée, aplatie par le transfert sur la toile, ainsi leur hiérarchie s’estompe. La décision d’entreprendre une peinture se fait par l’émergence hors de cette collection d’une image qui s’impose soudain par son à-propos et par les multiples imbrications qu’elle tisse avec l’actualité et l’histoire de l’art. 

Il y a là un jeu qui s’opère autour de l’occurrence des expositions produites par les peintres abstrait•e•x•s (mais pas seulement) issu•e•x•s du bassin lémanique des 50 dernières années. La simple présence de leur œuvre génère dans ma pratique de nouvelles possibilités picturales, de nouvelles solutions en réaction avec cette actualité (ou inactualité). Ainsi se mélangent les références dans un dialogue imaginaire. Les peintures se font écho, c’est la redondance des signes qui en créer de nouveau. 

Bien entendu, l’acte de peindre est primordial : il me faut peindre lentement, accorder du temps au pinceau, de sorte qu’il trace soigneusement les lignes qui composent la toile, qu’il intensifie ainsi la couleur par le va-et-vient du poil ; j’insiste sur l’importance du process physique, celui de l’activité (l’action) indispensable et régulière de faire un travail de peinture, mais également sur la présence de la touche du pinceau sur la toile, car celle-ci est parfaitement visible, laissant sans doute possible le fait main. Et cette image produite existe alors de loin comme objet, signe ou élément pictural et de près comme ligne, matière, surface. Des couches successives à percevoir tour à tour comme peinture et mémoire.